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L’improbable histoire de la parution de mon album des Préludes de Debussy
Par George Lepauw
Octobre 2022
Je suis extrêmement heureux d’annoncer la sortie de mon tout premier enregistrement (mais pas de ma première sortie !), l’intégrale des Préludes pour piano de Claude Debussy, sur le label anglais Orchid Classics, le 21 octobre 2022 à l’occasion de la 160ème année de naissance du compositeur. Comme cette sortie s’est faite longtemps attendre, j’ai décidé de vous révéler ici les circonstances particulières de cette longue attente.
Je suis tombé amoureux de ces magnifiques et époustouflants préludes de Debussy lorsque j’étais encore étudiant en Masters à Northwestern University aux Etats-Unis, en partie révélés par mon ami et pianiste Adam Swayne, qui les avait joué dans notre classe lorsque nous étions tous deux élèves de la géniale pianiste Ursula Oppens. Après les avoir étudiés moi-même et les avoir travaillés avec le grand Earl Wild, je les ai joués en récital de nombreuses fois aux Etats-Unis, en France et même en Finlande entre 2005 et 2007. Après un certain temps, mon père Didier Lepauw, ancien premier violon de l’Orchestre de Paris, suggéra que l’on en fasse un enregistrement filmé, dans la très belle salle du Music Institute de Chicago.
Mon père engagea une équipe de tournage avec du matériel exceptionnel, dont une grue qui permettrait à une caméra de virevolter au-dessus de ma tête pour filmer mes mains de haut ! De mon côté je fis appel à mon ami et talentueux ingénieur du son Maxim Anisimov. Le jour de l’échéance arrivée, et après quelques heures de préparatifs et de mise-en-place, le moment de jouer sonna, et tout comme en concert, il était déjà 20h.
Je parcouru les deux livres de douze préludes (Debussy composa le premier livre en 1909 et le second en 1913), l’un après l’autre dans leur ordre de publication, tout comme je l’aurais fait en concert. Vers 22h, je rejoua toutes les pièces une seconde fois. Vers minuit, je retoucha quelques points spécifiques que je voulais revoir pour donner à mon ingénieur toutes les options nécessaires à la construction d’un bon disque, comme il est courant de le faire. A 2h du matin, c’était fait. Tout fut vite remballé et nous quittâmes la salle.
C’était le 1er août 2007.
Les semaines suivantes, je retrouva régulièrement Max, pour écouter avec lui toutes les prises et sélectionner celles que je préférais pour construire l’album. Quelques petits bruits faits par l’équipe de tournage lorsqu’ils se déplaçaient sur le vieux plancher de la scène restaient audibles, malgré leurs précautions. Mais ces petits crissements donnent le sentiment que cet enregistrement a véritablement été fait en concert, en live, ce qui est, finalement, un peu vrai ! Car oui, typiquement, un album ne se fait pas en un jour, et encore moins en une soirée, sauf en concert.
Tout allait bien jusqu’à ce que nous nous mîmes à réfléchir au film : en effet, le montage de la captation de cette soirée fut plus complexe à gérer et à financer que ce que mon père et moi avions anticipés, et n’étant pas particulièrement pressés de le finir, le projet fut mis en pause jusqu’à nouvel ordre, que nous estimions à seulement quelques mois.
Ce à quoi je ne m’attendais pas était l’arrivée, au même moment, de Ludwig van Beethoven dans ma vie, par le biais de l’Association Beethoven France et de chercheurs spécialisés, avec la proposition hors du commun de créer un trio du compositeur jamais auparavant entendu en public. Ceci m'amena à vivre une aventure comme aucune autre. Je fondai le Beethoven Project Trio avec la violoniste Sang Mee Lee et la violoncelliste Wendy Warner pour donner le premier concert de cette œuvre oubliée à Chicago en 2009. A la suite de cela et d’une grande quantité de presse, le label Cedille Records nous proposa d’en faire un disque, ce que nous fîmes rapidement. Sa sortie coïncida avec notre grand concert à New York dans la Alice Tully Hall du Lincoln Center, devant un public curieux d’entendre cette nouvelle œuvre de Beethoven, dont le chef d’orchestre Kurt Masur, l’acteur de cinéma Viggo Mortensen, et les journalistes du New York Times ! Cet album, connu sous le nom de notre groupe, le Beethoven Project Trio, fut donc en 2010 le premier disque de ma carrière présenté au public.
Cette aventure Beethoven se poursuivit pour moi avec l’établissement de l’International Beethoven Project, une association à but non-lucratif dont la mission est de promouvoir la musique classique dans notre monde moderne et pour les nouvelles générations, inspirée par la créativité et l’humanisme de Beethoven. L’idée même de faire d’autres disques, bien que je continuais à donner des récitals, des concerts de musique de chambre et des concertos avec orchestre, et alors que je construisais des projets très ambitieux de festivals et de productions diverses avec l’association, était loin de mon esprit.
A mesure que le temps passait, j’oubliais petit à petit mon album Debussy. Seules quelques personnes en connaissaient l’existence. Je me disais que cet enregistrement n’était plus à la hauteur de l’évolution de mes idées musicales, et que je devrais peut-être simplement faire une nouvelle version de ces préludes un jour, ce mode de pensée étant plus le résultat d’une remise en question constante qu’autre chose. De plus, je ne jouais plus trop Debussy et étais à fond dans l’œuvre de Bach, avec pour idée d’enregistrer l’intégrale de son Clavier bien-tempéré, ce qui, en 2016, me paraissait plus utile à l’heure du Brexit et de l'élection de Trump. Il me semblait en effet essentiel de miser sur cette musique fondamentale et profondément humaniste qu’est pour moi celle de Bach, en contrepoids à cette période volatile et criarde.
A la fin de 2017, après avoir enregistré ces cinq heures de Bach, et cherchant un label pour les publier, je fus présenté à Matthew Trusler, le fondateur et président d’Orchid Classics, qui était heureux d’ajouter mon enregistrement du Clavier bien-tempéré au catalogue de son label moderne et indépendant. Admirant ce qu’il avait créé avec ce label innovant et qui donnait beaucoup de liberté aux artistes, j’acceptai son offre, et l’album Bach48, tel qu’il est nommé, fut donc publié par Orchid en février 2020, juste à temps pour l’arrivée tonitruante du Covid dans nos vies ! Ceci marqua aussi la première fois que je sortais un disque à mon seul nom.
Vers cette époque, le centenaire de la mort de Debussy en 2018 me donna l’opportunité de me remettre à jouer les Préludes en concert. Lors d’une conversation avec Matthew au sujet de l’album Bach, je lui dis en passant avoir déjà enregistré les Préludes de Debussy dans ma jeunesse et que je pensais les refaire. Il aimait l’idée de lancer un album très contrastant à la suite du Bach, mais me demanda tout de même de lui envoyer mon vieil enregistrement. Il fallut d’abord que je retrouve le master ! Heureusement, j’avais rangé le compact disque en or spécialement conçu pour une longue vie dans une vieille boite à chaussure, et je pus lui en envoyer une copie. Je n’eus pas moi-même le courage de l’écouter, ayant peur de détester ce que j’avais fait tant d’années auparavant. Mais après l’avoir écouté, Matthew m’appela en riant pour me demander pourquoi je ferai une autre version alors que celle-ci était si belle ? Je savais qu’il me comprenait malgré tout, en tant que musicien lui-même : dans cette profession, nous avons effectivement tendance à douter de nos capacités et de nous torturer sur la valeur de notre travail !
Nous voici donc, grâce au soutien de Matthew et sur Orchid Classics, arrivés à l’heure de la sortie de mon premier enregistrement, très en retard, fait alors que j’étais encore dans ma vingtaine. En effet, quinze années se sont écoulées, durant lesquelles j’ai peut-être accumulé un peu de sagesse, mais surtout le courage de faire entendre au public ces préludes que j’aime et qui m’ont tant apporté. J’ai même eu le courage de les réécouter moi-même, et n’en suis finalement pas déçu !
En quinze ans, j’ai vécu plusieurs phases dans ma carrière de musicien, quelques hauts et quelques bas. J’ai été tour à tour, et souvent en même temps, concertiste, professeur de piano, directeur de festival, président d’association, journaliste en musique classique… Et voilà qu’après toutes ces aventures formatives de jeunesse, je profite de la sortie de ce disque pour remettre les pendules à zéro (est-ce possible ?) et construire une nouvelle manière de vivre ma carrière, de façon plus réfléchie que lorsque je m’étais lancé à l’époque (hyper activement !) en sortant de l'université. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus sélectif dans mes choix de projets, et surtout beaucoup plus détendu.
Le moment est particulièrement propice pour moi, car ayant récemment réélu domicile à Paris, ma ville d’enfance, après de nombreuses années passées aux Etats-Unis, je suis prêt à me représenter devant un public européen devant lequel je ne me suis plus beaucoup présenté depuis le début du siècle. De plus, j’ai de nombreux projets de disques que je compte enregistrer en Europe, dont les Sonates de Beethoven, une sélection de musique française du 18ème siècle, encore du Debussy, et bien d’autres musiques encore si les circonstances me le permettent.
Et où en est ce fameux film des Préludes ? Ce film sera effectivement monté et révélé, une piste à la fois, au cours des prochains mois, ce qui sera en partie rendu possible si le succès des ventes de la parution du disque nous le permettent (achetez-le ! Offrez-le !).
Deux morceaux, sur vingt-quatre, sont déjà disponibles : La Fille aux cheveux de lin, et Feux d’artifice, à la suite du montage élégant fait par Martin Mirabel, qui a aussi co-réalisé le documentaire et la captation de mon projet Bach48 aux côtés de Mariano Nante (www.bach48.com pour plus d’info).
Les films de l’enregistrement de Debussy paraîtront sur YouTube (où se trouvent déjà ceux qui sont faits) ainsi que sur notre site www.claudedebussy.fr et celui d’Orchid Classics, www.orchidclassics.com.
J’espère que vous suivrez mon aventure musicale autour de Debussy et peut-être aussi mes autres projets. Vous pouvez toujours me retrouver sur les réseaux sociaux ainsi que sur mon site personnel, www.georgelepauw.com, par où vous pouvez aussi me contacter directement si vous voulez partager vos ressentis sur cette musique, où si vous voulez commander un album signé de ma main ! En attendant, je vous souhaite une très bonne écoute.
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